Une banale histoire, Anton Tchekhov (1889)
À retrouver chez GALLIMARD (Folio)


J’ai frôlé l’échec de passer toute l’année de lecture 2023 sans m’attaquer à un illustre auteur russe. Mission accomplie, ou plutôt, malheureusement accomplie. Heureusement, les 130 pages se dévorent rapidement. Malheureusement, ces pages semblent s’étirer dans le temps quand on se trouve face à cette histoire d’une banalité déconcertante. Rarement ai-je lu un livre qui incarne si fidèlement son titre.

À la lecture du résumé, je m’étais dit, « Tiens, ça a l’air un peu Philip Roth, mais à la sauce russe du XIXe siècle… » Eh bien, non. Ça aurait pu l’être : un vieux professeur, chercheur émérite, ressent le poids des ans, pour ne pas dire qu’il sent sa vie s’éteindre, et nous partageons quelques jours en sa compagnie. On pourrait s’attendre à ce que des événements se déroulent entre les cours qu’il dispense, les reproches de son foyer et la jeune femme qui semble éprise de lui. Mais non, rien de tout cela. Il ne se passe absolument rien. Ah si, il devient de plus en plus ennuyeux et fade. Je vais parsemer quelques citations pour égayer ce billet, qui finira directement dans la catégorie « En passant ».

« Je m’endors à minuit passé et soudain je saute à bas de mon lit. J’ai l’impression que je vais mourir subitement, là, tout de suite. Pourquoi cette impression ? Je ne relève aucune sensation physique indiquant une fin prochaine, mais la terreur oppresse mon âme comme si j’avais soudain aperçu un embrasement immense, sinistre, dans le ciel. Je me hâte d’allumer, bois de l’eau à même la carafe, puis me précipite vers la fenêtre ouverte. Le temps est magnifique. L’air sent le foin et un autre parfum très doux. Je vois les pointes de la palissade, les arbres chétifs qui dorment près de la fenêtre, la route, la bande sombre des bois ; au ciel la lune sereine brille de tout son éclat, il n’y a pas un nuage. C’est le calme absolu, pas une feuille ne bouge. Il me semble que tout me regarde et écoute comment je vais mourir.  »

« Ma mémoire a baissé, la suite dans les idées est défaillante, et quand je les couche sur le papier, il me semble que j’ai perdu le sens de leur lien organique, la construction est monotone, la phrase indigente et timide. Souvent j’écris autre chose que ce que je veux ; quand j’en suis à la fin, je ne me souviens plus du commencement. Souvent j’oublie les mots les plis ordinaires et je suis toujours obligé de dépenser beaucoup d’énergie pour éviter dans mes lettres les phrases inutiles et les incidents superflues. »