L’Énigme de la chambre 622, Joël Dicker
– Éditions de Fallois
Photo : joeldicker.com

 

J’attendais un Houellebecq pour Noël, on m’a offert un Joël Dicker.  » Tu verras je l’ai lu, c’est une intrigue incroyable, tu n’en décroches pas  ».

Je ne suis pas adepte de ce que l’on qualifie de  »page turner ». Ça ne veut pas dire grand chose en plus selon moi, car un auteur qui réussit est justement celui dont tu ne peux refermer le livre jusqu’au point final. Nous sommes donc tous le page turner de notre lectorat pour x ou y bonnes (ou mauvaises) raisons.

PostPetite appréhension supplémentaire quand je me souviens de la tronche du Dr Mamour au casting de l’affaire Harry Quebert, adapté du livre éponyme de l’auteur en question. 

Des questions, je m’en pose. Encore plus ma lecture terminée en me disant que la prose de l’auteur genevois me paraît un peu légère ou en tout cas totalement convenue pour en faire le lauréat du Grand Prix du roman de l’Académie française. Il faudrait peut-être avoir l’appui d’un monstre sacré de l’édition. Ah tiens, nous y venons puisque l’auteur ne s’épargne pas à travers plusieurs chapitres de livrer quelques bribes de sa relation avec le regretté Bernard de Fallois. 

L’édition, c’est comme l’amour. On ne peut aimer vraiment qu’une seule fois. Après Bernard, il n’y aura personne d’autre. Après le succès de mon second roman, tout le monde pensait que j’allais quitter les Editions de Fallois pour rejoindre une maison d’édition plus prestigieuse. « Qu’allez-vous faire à présent ? me demandait-on régulièrement. Vous avez certainement reçu des offres des plus grands noms de l’édition française. » Mais ceux qui me posaient la question n’avaient pas compris que le plus grand nom de l’édition, c’était Bernard.

Il ne fait nul doute qu’il a profondément aimé cet homme, mais quand on lit ce type de bouquins, je ne suis pas certain que l’on s’attende à des passages biographiques de son auteur. Moi c’est presque ceux que j’ai préféré, mais je ne suis pas dans la cible.


Une nuit de décembre, un meurtre a lieu au Palace de Verbier, dans les Alpes suisses. L’enquête de police n’aboutira jamais.Des années plus tard, au début de l’été 2018, lorsqu’un écrivain se rend dans ce même hôtel pour y passer des vacances, il est loin d’imaginer qu’il va se retrouver plongé dans cette affaire. Que s’est-il passé dans la chambre 622 du Palace de Verbier ?

Avec la précision d’un maître horloger suisse, Joël Dicker nous emmène enfin au cœur de sa ville natale au fil de ce roman diabolique et époustouflant, sur fond de triangle amoureux, jeux de pouvoir, coups bas, trahisons et jalousies, dans une Suisse pas si tranquille que ça.

– 4ème de couverture


Le début de bouquin est presque en mode new romance, qui a le mérite de nous faire nous sentir proche de l’auteur, mais qui nous laisse perplexe face à celui qui se décrit comme incapable dans ses relations avec les femmes, car l’écriture est la plus prenante des maîtresses. Oui, c’est cliché. Toujours est-il que Joël est enfermé dans son appartement genevois, qu’il ne se remet pas de la disparition de son éditeur et mentor Bernard de Fallois et qu’en plus il merde dans les grandes largeurs la relation avec sa voisine, malgré la traque dans le parc alentour quand celle-ci fait son footing. Presque dérangeant.

Pour oublier celle-ci, car le seul remède semble être la fuite, l’écrivain prend la route de Verbier. Un hôtel luxueux, des cimes enneigées, nous voyageons enfin. Il se rend compte que la chambre voisine de la sienne porte un numéro bis, la seule de l’hôtel. Elle devrait logiquement être la chambre 622. Et sa voisine de palier vient lui pousser l’idée d’écrire sur cette histoire. Ils apprennent qu’un meurtre a eu lieu dans cette chambre, rebaptisée ensuite pour en gommer le souvenir. 

Joël Dicker mène donc l’enquête avec la très rentre dedans Scarlett de Verbier à Genève puisque le meurtre concerne la plus prestigieuse des banque suisse. Au-delà d’une écriture un brin répétitive, l’auteur parvient à dessiner des personnages aux contours mouvants, aux envies et ambitions dévorantes. C’est plutôt réussi de ce côté. Même si nous avons beaucoup de personnages stéréotypés : écrivain solitaire, directeur d’hôtel à la bonhomie débordante, femme russe dévorée par le pognon, fils à papa incapable, jeune homme aux origines laborieuses qui se fait lui-même avec maestria pour ne citer qu’eux. 

– Qui est-il ?
– Peu importe.
– Tu as raison, peu importe. L’amour est moins une alchimie que l’œuvre du temps. L’amour, c’est surtout du travail. Je te souhaite de travailler assez dur pour aimer et être aimée.

Mais finalement, on se retrouve dans plusieurs récits et c’est parfois un peu usant : Joël et Scarlett qui mènent l’enquête, Joël qui raconte ses souvenirs avec son mentor, l’histoire principale qui se déroule et où l’on ne sait plus très bien si c’est la réalité des faits ou uniquement l’imagination bouillonnante de l’auteur qui nous déroule les faits. Et puis nous voilà au twist. Bordel, impossible de s’y attendre à celui-là. Tellement ça paraît simpliste pour débloquer l’intrigue. Je me suis dit  » tout ça pour ça  ». Et comme si l’incroyable retournement de l’histoire principale ne suffisait pas, nous avons droit en toute fin de texte à celui de l’écrivain. Inutile et télescopé. 

Malgré les points négatifs évoqués, je n’ai pas su décrocher de l’énigmatique chambre 622. Un livre qui fait voyager géographiquement et temporellement, des personnages bien fouillés et une intrigue bien portée malgré des coupures entre celle-ci et l’enquête à proprement parler. Je reste déçu par le dernier tiers du bouquin qui vient découdre l’ensemble des scenarii possibles avec un artifice tiré par les cheveux, comprendront ce qui liront !