Un enlèvement, François Bégaudeau (2020)
À retrouver chez verticales
J’ai dégoté mon premier François Bégaudeau à la médiathèque, un auteur dont j’ignorais tout, mais dont la couverture fluo m’a déboîté la rétine.
On débarque dans les vacances d’une famille de bobos parisiens à Royan. Brune, la mère, en pro de la com’ de crise, s’acharne à verbaliser tout, évitant ainsi les ressentiments. Emmanuel, le père, cliché sur pattes, accro au running, court sans cesse comme s’il fuyait une catastrophe imminente. Sa femme, sa maîtresse, lui-même ? Il y’a aussi les gosses, Justine la tête pensante, pépite du duo parental, et Louis, le gamin qui rame à 6 piges et cristallise les inquiétudes. Devant ce cirque de la performance, le p’tit dernier, il résiste, non ?
« Une famille nombreuse et bruyante a pris ses quartiers à côté. Dans ce contexte la graisse superflue de la plupart des membres se remarquait. Sur cette conche nous n’étions pas gros, et les rares qui parmi nous l’étaient s’abstenaient de donner en spectacle leur faiblesse. La famille nombreuse et bruyante ne séjournait sans doute pas à Royan. Elle était venue pour la journée et repartirait ce soir dans une voiture à moteur diesel. A moins d’avoir loué un studio sans terrasse ni même balcon en périphérie nord. »
Le fil rouge ? Chacun tente de fuir la famille à sa façon. Emmanuel, figure morale, s’avère être une coquille vide. Brune, elle, cherche son oxygène dans le yoga et ses projets pros, même en vacances. Justine, à 12 ans, dévoile la supercherie qui règne sur leur vie. Louis, lui, dévie du schéma familial, bien décidé à ne pas se laisser prendre au jeu.
« Brune pratiquait le yoga kundalini, Marlène le yoga nidra. À tout profil psychologique était accolé un type de yoga, à toute demande une offre, c’était bien fichu. A moi correspondait le yoga océanique car l’océan était mon pays. Je n’aurais pas pu piloter un bac d’estuaire, je n’étais pas un marin d’eau douce, je ne tenais pas de l’humanité petit bain mais de l’humanité grand large. »
L’écriture sobre et incisive de Bégaudeau m’a happé. Le cynisme, parfois teinté de satire, qui éclate dans cette famille aux faux-semblants, c’est un véritable électrochoc. Alors, ouais, moi aussi, j’aimerais être un bobo friqué, bronzant à Royan dans un appartement stylé, mais il faudrait que je m’adonne à la course à pied, et sincèrement, le running, c’est plus chiant qu’un discours politique.
Et l’enlèvement, titre du bouquin, pourquoi j’en parle pas ? Parce que c’est juste une toile de fond, un peu comme BFMTV qui tourne en boucle sur la même actualité, permettant à notre petite famille de nourrir ses discussions insipides.
Il était Greg ou Joe en 1986. On ne revenait pas de 1986. C’était les mêmes vagues, elles m’avaient attendu tout ce temps, elles étaient l’éternité à portée de tous, elles roulaient indéfiniment dans ma tête comme des phrases.