Le cœur synthétique, Chloé Delaume (2020)
À retrouver chez Seuil
Prix Médicis 2020


Adélaïde, fraîchement libérée d’un amour aussi long que morne, se tient à 46 ans face à un challenge de taille : plonger tête la première dans les eaux tumultueuses de l’amour post-quarantaine. Son objectif est clair : trouver un partenaire pour partager la deuxième moitié de sa vie. Mais voilà, la réalité n’est pas tendre. Adélaïde réalise rapidement que dans cet univers impitoyable, le pouvoir de séduction décline à la vitesse de la lumière avec l’âge. Le marché est vaste, les hommes, moins nombreux, sont submergés de propositions de femmes célibataires. C’est le début d’une danse délicate entre compromis et stratégies pour ne pas être reléguée aux oubliettes et surtout : ne pas finir seule.

« Elle sait que c’est autre chose que la crise de la quarantaine, celle où tout le monde étouffe et fait un tas de conneries, celle où tout le monde se prouve qu’il est encore vivant. Cette fois-ci, rien n’explose, tout se dissout lentement. »

Chloé Delaume, met en lumière cette situation paradoxale dans laquelle Adélaïde se trouve, déchirée entre le pavillon féministe et le rêve tenace du couple hétérosexuel. C’est un numéro d’équilibriste complexe, entre affirmation de soi et normes sociales pesantes. Mais Adélaïde est une battante, que ce soit dans sa vie personnelle ou professionnelle. Elle jongle entre son rôle d’attachée de presse, un métier où le succès dépend souvent de l’image que l’on projette, et son désir ardent d’être simplement elle-même, sans artifices imposés par qui que ce soit.

Dans cette tornade émotionnelle, Chloé Delaume navigue entre les enjeux contemporains et les défis personnels. Elle nous plonge avec brio dans la vie d’Adélaïde, entourée de sa compagne à quatre pattes, Perdition, et de ses amies, formant un cercle de sororité qui transcende les clichés. Ensemble, elles réinventent l’amour, se soutenant mutuellement et démontrant que l’épanouissement peut se trouver en dehors des sentiers battus.

« Adélaïde ne voit plus Martin avec le regard de l’amour. La bienveillance s’est dissipée et le réel lui crève les yeux. Quand elle l’embrasse, les mains sur son visage, que ses doigts s’enfoncent dans son goitre, elle a la sensation que c’est de la gélatine, de la marmelade de chair. Ça ne la dégoûte pas vraiment, mais elle pense à Jabba le Hutt, et pendant que Martin la touche, son cerveau joue en boucle le début de La Marche impériale de Star Wars. Du coup, maintenant, au lit, elle a du mal à se concentrer. »

« Le cœur synthétique » fait office de portrait incisif et humoristique de la vie d’Adélaïde après 40 ans, une quête effrénée d’amour mais aussi de liberté. Se libérer du carcan des normes mais aussi de ses propres conditionnements. C’est un périple où chaque obstacle devient une leçon, chaque déception une opportunité, le tout arrosé d’une bonne dose d’humour. Un roman emprunt d’une fausse légéreté pour traiter un mal bien réel. C’est plutôt réussi.