Le roi du K.O. – Harry Crews (1989)
À retrouver chez Gallimard
Harry Crews, c’est un peu American Horror Story sans l’horreur (quoi que) mais avec la story (pour sûr).
Après Fat man, Jester et Dolly, croisés dans Nu dans le jardin d’Eden, je poursuis ma découverte du bestiaire d’Harry Crews avec cette nouvelle lecture. Le roi du K.O. (titre original : The knockout artist) m’embarque du côté des salles de boxe. Là où ça sent le musc et le muscle. Un endroit, s’il est utile de le préciser, qui m’est tout à fait inconnu. En-dehors du sémillant Ray Donovan et de sa fratrie bien entendu.
C’est l’histoire d’un type, Eugene Talmadge, qui se démerde bien sur le ring. Parait même qu’il a un punch à devenir champion du monde. Mon pote Chris aussi a un punch de champion du monde, mais c’est plutôt le truc qui se boit à la louche dans un saladier. Enfin, tu vois. Un jour, alors qu’il est sous le feu des projecteurs, il se prend une vilaine pêche pour rester dans les fruits. C’est important les fruits, 5 par jour. Ça fait beaucoup de punch ça. Il se découvre alors une fragilité, “une mâchoire en verre” qui ne supporte plus aucun coup.
« À la façon dont il avait parlé, Eugene savait que Budd n’y croyait pas. Eugene en était à présent à treize victoires et trois défaites par K.O. Il boxait depuis juste assez longtemps pour savoir ce qu’il était devenu : le genre de boxeur que les autres veulent rencontrer pour assurer une victoire supplémentaire à leur palmarès. »
Faut bien vivre de quelque chose, alors Eugene, dans un moment de folie, se fout lui-même K.O. et il devient une bête de foire. On est en plein dans le freak show d’Harry Crews. On paye pour voir un type se caler un bon uppercut sous le menton. Je n’en dirais pas plus sur l’intrigue. Disons qu’on croise d’autres personnages azimutés : un riche homme d’affaires, qui perd sa peau et qu’on promène en laisse dans les soirées privés. Une étudiante en psychologie qui s’amourache d’Eugene pour en faire son sujet de thèse de fin d’études, caetera…
« Soutenu. Cela faisait un moment qu’Eugene entendait cette expression. Et il avait fallu un bon bout de temps avant qu’il comprenne que ça signifiait soutenir à l’oral un mémoire de fin d’études. Et encore un bon bout de temps avant qu’il ne comprenne ce qu’étaient un mémoire et un oral. Ce n’était que très récemment qu’il avait compris que c’était lui, Eugene Biggs, le sujet du mémoire. »
J’ai adoré. Harry Crews a un don pour nous embarquer dans des histoires abacadra, abraca, bon tant pis ! Pas le courage d’aller copier-coller le bon mot. Il n’y a pas que des personnages, il y a aussi et surtout un récit duquel on a du mal à décrocher. C’est de la série noire, un ami m’a dit “du roman de gare” (je le glisse pour vérifier qu’il lit mes chroniques) mais on est quand même bien au-delà du top 10 des auteurs les plus vendus en France. Bien heureusement.