Oser renaître, Agathe Vauvillé.

Dimanche. Fin d’après-midi. C’est le moment le plus pénible au monde. Un peu trop tôt pour l’apéro ou la bière pré-apéro. Moment idéal pour se poser dans son canapé avec un bon bouquin et un peu de jazz. Allez, laissons-nous accompagner par Thelonious Monk, le roi de l’improvisation. Tout l’inverse de moi quand il s’agit de me décider sur ma prochaine lecture. Naturellement, je jette un coup d’œil vers mes auteurs fétiches. Buko, Fante, Ellis, Despentes et Houellebecq pour ne citer qu’eux. Je dois aussi me déflorer avec Soif qui serait mon tout premier Nothomb. Ah tiens, c’est vrai, ça fait déjà quelque temps que j’ai acheté ce bouquin à la tranche presque couleur brique qui me saute aux yeux. 

Oser renaître d’Agathe Vauvillé. C’est peut-être audacieux d’oser renaître un dimanche où le néant règne entre goûter et apéro. Pour ne rien cacher, j’ai acheté ce bouquin, car je connais son auteure. Pas très bien, mais nous partageons notre passion au sein du même club d’écriture. C’est toujours délicat, t’es heureux de te procurer un bouquin dont tu connais l’auteur.e mais une fois qu’il est là, tu as presque peur de l’ouvrir. D’autant plus que ça ne ressemble pas à mes lectures habituelles. « Oser renaître est un roman mêlant fiction, développement personnel et spiritualité. Ce livre appelle le lecteur à retrouver sa propre lumière, ensevelie sous le fatras de ses illusions.»  

Pas du tout ma cam. Bon, je concède que j’ai lu plusieurs bouquins de Laurent Gounelle et que ça m’avait fait le plus grand bien. Une tranche de vie, ses livres. Pourquoi ne pas se laisser entraîner au coté de Joséphine et voir de quoi il en retourne ? Voici le synopsis.

« J’avais cru à une sourde, à une morte, puis à une sénile, j’ai finalement atterri chez Gandhi. » Joséphine est une femme perfectionniste, solitaire et émotionnellement instable. Elle fait la connaissance de Céleste, femme de soixante-neuf ans un brin taquin, qui va pousser la trentenaire dans ses retranchements les plus profonds. Partageant sa vision de la vie qu’elle tire de sa propre expérience, la vieille dame offre alors à Joséphine un nouveau champ des possibles. Cette dernière se (re)découvre, s’accepte, avance et lâche prise… pour retrouver son vrai « Soi ». 

Il m’est très compliqué de vous en dire plus sans nuire à votre lecture. Cependant, je peux vous livrer mon sentiment sur ce beau texte d’Agathe Vauvillé. Car oui, par les thèmes abordés et la qualité d’écriture, ce bouquin est simplement beau. Seul bémol à cela, peut-être un peu trop de verbiage par moment ou un manque de simplicité dans l’écriture. C’est presque trop pour un bouquin qui prône quelque part le dépouillement. Ceci n’étant qu’un sentiment purement subjectif. J’ai cru tomber dans le nian-nian. Il n’en est rien. J’ai cru me retrouver enfermé dans une sorte de relation mère-fille par procuration. Il n’en est rien.

Peut-être que cette vieille est une harpie, ou une qui pue et qui ne cause pas, oui qui va m’prendre pour son larbin. Encore deux étages. Ou une folle qui refuse l’hospice. Ou peut-être une dépressive, une qui décaroche sévèrement et que ne va même pas se rendre compte de ma présence.

PAGE 8

Le roman débute sur quelque chose de très simple, pour ne pas dire classique. Une rupture amoureuse et un constat d’échec au quotidien pour Joséphine. Un boulot qu’elle exècre, elle travaille dans une agence de publicité, des comportements qu’elle ne peut plus supporter (notamment de la gent masculine). La faute des autres, toujours la faute des autres. La jeune femme est loin de se douter que c’est grâce à ce qu’elle juge alors comme un échec qu’une nouvelle vie s’ouvre à elle. Sa rencontre avec Céleste ne va pas être de tout repos et l’entraîner sur une matrice de pensée qu’elle n’avait jamais même osée envisager. Elle, qui hésitait à faire demi-tour avant leur premier échange.

L’air dément, l’ongle rongé, je m’enfonce dans son canapé qui se transforme en divan freudien. Hors de contrôle, je lui déballe tout, et tout découle avec fluidité. Je vomis un verbiage incandescent sur le plancher de cette vieille dame.

PAGE 13

Ecoute, bienveillance et surtout rapport à l’ego forment le fil conducteur conséquent des échanges entre finalement deux jeunes femmes, espiègles et fortes, uniquement séparées par les âges. Le traitement est à la fois intéressant et de mon avis déboussolant. À la fin de certains chapitres consacrés aux discussions entre les deux femmes, Joséphine dresse un bilan des enseignements qu’elle perçoit. Comme un journal intime, une guideline de l’évolution de soi. C’est intéressant, car ça à le mérite d’appuyer sur les notions évoquées et tout lecteur en quête de réflexion prendra plaisir à s’y reporter, même une fois la lecture du livre achevée.

MÉMO 4

Se réaliser par soi-même, avec ses propres ressources.
Nous attendons souvent qu’un événement nous sorte d’une situation, qu’un tiers nous aide. On attend trop des autres alors que ce que nous désirons obtenir, il faut d’abord le sentir en nous. Il n’y a qu’ainsi que nous pouvons l’attirer à nous-même.

PAGE 154

Pour ma part, ça a marqué des ruptures assez brutales dans la narration qui me faisaient quelque peu décrocher face à la sensation de redite. J’avoue avoir hésité à sauter certaines de ces pages. Je dis ça mais d’un autre côté, j’ai photographié certaines des notes de Joséphine pour les partager avec des proches et ouvrir le chemin à de nouvelles réflexions communes.

Je retiendrai surtout le talent certain d’Agathe Vauvillé pour dresser le portrait de personnages, tellement bien dessinés, qu’ils nous paraissent évoluer autour de nous. De mettre en phase une narration simple avec des concepts fondamentaux. Joséphine est à la croisée des chemins et semble synthétiser le doute que connaissent beaucoup de personnes autour de moi dans le creux de la trentaine. Un voyage initiatique, quasiment à huis clos demeure tout de même un pari très osé. Et c’est plutôt réussi. Parfois, il faut simplement oser renaître.

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